S’inspirant du succès du système des indications géographiques (IG) pour le vin, les boissons spiritueuses et les produits agricoles, la Commission européenne (CE) a publié en avril 2022 une proposition de règlement établissant pour la première fois un système de protection à l’échelle de l’UE pour les produits artisanaux et industriels (PAI) dotés d’une indication géographique. Ce système couvre un large éventail de produits, notamment les pierres naturelles, le travail du bois, la bijouterie, les textiles, la dentelle, la coutellerie, le verre, la porcelaine et les cuirs et peaux.
À la suite d’un accord interinstitutionnel informel conclu au printemps dernier, le Parlement européen a approuvé cette proposition, ainsi que le Conseil. Le nouveau règlement devrait entrer en vigueur deux ans après sa publication au Journal officiel de l’UE.
Cette proposition législative vise à combler l’absence de cadre juridique européen commun pour les indications géographiques non agricoles. Jusqu’à présent, l’hétérogénéité des systèmes nationaux, s’ils existent, et l’absence de reconnaissance mutuelle ont affaibli le potentiel de ces produits. En particulier, la plupart de ces produits manufacturés proviennent de zones rurales, ce qui représente une opportunité pour la croissance et le développement de leurs territoires d’origine.
Une étude réalisée en 2019 par le Service de recherche du Parlement européen (EPRS) a estimé que l’introduction d’une protection des indications géographiques à l’échelle de l’UE pour les produits artisanaux et industriels aurait eu un effet positif sur le commerce, l’emploi et le développement rural sur une période d’environ 20 ans après sa mise en œuvre. Un tel régime de protection aurait entraîné une augmentation globale du commerce intra-UE d’environ 4,9 à 6,6 % des exportations actuelles (37,6 à 50 milliards d’euros) dans les secteurs les plus pertinents, une augmentation de 0,12 à 0,14 % de l’emploi au niveau régional et la création d’environ 300 000 nouveaux emplois dans l’ensemble de l’UE. En outre, il devrait contribuer au développement rural en soutenant les producteurs locaux de qualité, en diversifiant les économies rurales (par exemple grâce au tourisme) et en permettant aux producteurs locaux de s’organiser collectivement.
En outre, le système nouvellement approuvé à l’échelle de l’UE accordera à ces produits une protection dans le cadre des accords commerciaux de l’UE, un avantage précédemment réservé aux produits agricoles dotés d’une IG. Cette évolution a constitué une étape cruciale après l’adhésion de l’UE à l‘acte de Genève de l’Arrangement de Lisbonne concernant les appellations d’origine et les indications géographiques, traité administré par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).
Le nouveau règlement s’appuie sur le système d’IG existant pour les produits agricoles, mais il est adapté aux spécificités des produits artisanaux et industriels. Il couvrira les indications géographiques protégées (IGP), qui pourront être labellisées, sur une base volontaire, avec le même logo européen que celui actuellement utilisé pour les IGP agroalimentaires de l’UE.
Il prévoira une procédure d’enregistrement en deux étapes, au niveau national puis au niveau de l’UE par l’intermédiaire de l’Office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO). Les États membres peuvent choisir de mettre en place une autorité nationale d’enregistrement ou de déléguer la procédure à l’EUIPO.
Les autorités nationales effectueront des contrôles et veilleront à ce que les produits soient mis sur le marché conformément à leurs spécifications. Cela s’appliquera également aux produits vendus en ligne.
En ce qui concerne les contrôles, le système prévoit des organismes de certification, comme c’est le cas pour les IG agroalimentaires, mais il introduit également la nouveauté d’une autodéclaration que les producteurs doivent soumettre à l’autorité compétente avant de mettre le produit sur le marché. Cette autodéclaration doit permettre de démontrer la conformité du produit avec le cahier des charges.
En outre, ce règlement comprend des règles de protection strictes, reflétant celles qui existent pour les IG agricoles. Il aborde les questions en cours de discussion dans le processus de révision des IG agroalimentaires concernant les plateformes en ligne et les pouvoirs et responsabilités en matière de protection accordés aux groupements de producteurs.
En conclusion, à l’instar de la proposition de révision sur les IG agroalimentaires, les aspects de durabilité sont pris en compte dans le nouveau règlement, par le biais d’une approche volontaire et flexible. En fait, la possibilité pour les groupes de producteurs de convenir d’engagements en matière de durabilité est incluse.
Ceci doit être considéré comme la première étape d’un système totalement nouveau, afin d’éviter une standardisation de la durabilité ou une approche unique de celle-ci, puisque chaque chaîne de valeur a ses propres spécificités et que la diversité des produits et des organisations pour les IG devra être prise en compte.